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15 octobre 2011 6 15 /10 /octobre /2011 18:02
Extrait de "enquête et débat"
13 octobre 2011

 


Michel Tarrier se définit comme “libre-penseur, insoumis, écologiste radical, écorésistant, et polémiste”. Il ajoute, sur le plan religieux, “anti-monothéiste, animiste et néo-panthéiste”. Et si vous insistez vraiment auprès de lui, il vous dira qu’il est aussi “extralucide, écoguerrier, citoyen d’une Terre-patrie, anti-spéciste et biocentriste, anti-raciste, anti-sexiste, écoféministe, et dénataliste”. Il prône un anti-capitalisme et un anti-socialisme industrialiste ; une libération des peuples opprimés ; ainsi que la vénération et la réhabilitation des peuples premiers. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont “Faire des enfants tue – éloge de la dénatalité” (maison de l’édition), pour lequel nous l’avons interviewé.

E&D : Pourquoi prônez-vous la dénatalité ?

Lorsque d’une part, comme moi, on est naturaliste et passionné de biodiversité depuis son enfance, lorsque plusieurs décennies d’observations sur le terrain vous ont montré l’infernal recul des espèces botaniques et animales, tout comme la déconstruction des écosystèmes, tout cela pour des raisons anthropique ; que d’autre part on constate le grand malheur d’une majorité de gens, dont des enfants, qu’un milliard d’humains sont sous-alimentés, que nous sommes à la veille du tarissement des ressources non-renouvelables comme les énergies fossiles (d’où le début des guerres d’appropriation…) ; que le futur de l’humanité est devenu hypothétique à tel point qu’on nous parle sans répit d’une crise systémique qui n’aura plus de sortie… ; il faudrait être irresponsable pour exhorter à la procréation !
Si on aime les enfants, il n’y a que deux options. Si on est dans le camp des pessimistes lucides : ne plus en faire si l’on pense que ce troisième millénaire risque de n’avoir qu’un siècle de vie vivable ; si on est dans celui des optimistes raisonnables : n’en faire qu’un seul dans le dessein d’une démographie responsable. Cela vaut pour les Occidentaux des pays nantis dont l’enfant devenu adulte consomme et pollue vingt fois plus qu’un Nigérien ou un Éthiopien, tout comme pour les peuples appauvris dont les terres sont en majorité occises et dont la surpopulation est une donnée des famines récurrentes et du grand malheur que les tenaillent.
Il faut tout de même rappeler que nous habitons une Terre nourricière aux ressources finies et qu’au nom de cette finitude le Globe n’est ni rechargeable, ni extensible. Parodiant Kenneth Boulding qui disait : « Celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est un fou, ou un économiste », je vous dis que « Celui qui croit qu’une démographie exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est un fou, ou un démographe ».
Selon Global Footprint Network, le jour du dépassement (Earth Overshoot Day) qui avance de plusieurs semaines chaque année était le 21 août en 2011. La surconsommation des pays riches est responsable de cette empreinte écologique insoutenable. Pour continuer ainsi, il faudra deux planètes Terre d’ici 2030. En augmentant de 4 milliards, la population planétaire a triplé depuis 1950. Nous avons toutes les preuves que la planète ne pourra pas nourrir 9 milliards de terriens en 2050 ou 17 milliards en 2100.
« L’Homme s’obstine à inventer l’enfer dans un monde paradisiaque », écrivait le journaliste Jacques Massacrier. Aujourd’hui, la Somalie se meurt en grande partie du fait que ce pays qui ne comptait que 2,3 millions d’habitants en 1950 est désormais atteint d’une excroissance démographique et explosive avec 9,6 millions (6,26 enfants par femme !).

E&D : Y a-t-il une différence avec l’eugénisme, si oui laquelle ?

Cet amalgame ridicule est souvent utilisé par les ultralibéraux pour tenter de diaboliser la thèse dénataliste, dont je revendique d’ailleurs sans honte le caractère éco-malthusianiste. Une surpopulation cautionnée par les ultralibéraux correspond à un crime contre l’humanité. La surcharge humaine profite évidemment aux maîtres du monde puisqu’elle induit le succès du consumérisme (comme avant on faisait des enfants pour servir de chair à canon). L’eugénisme est aussi un crime, non pas contre l’humanité, mais pire : contre l’homme. Il ne s’agit d’ailleurs que d’un fantasme, celui d’une race supérieure, qui naîtrait sans infirmité, vigoureuse, intelligente, belle, et qui dessinerait progressivement le visage d’une humanité nouvelle.
Tenter de revenir à 3 milliards par une sorte de coïtus interruptus planetarius (clin d’œil !), ainsi que nous l’étions en 1960 (donc hier !), ne vise aucune sélection, seulement un effectif en meilleure équation avec les ressources et qui redonnerait leurs chances aux autres espèces dont nous occupons indûment et chaque fois davantage les niches écologiques.
Une politique eugéniste induit des pratiques meurtrières. En incitant les Terriens à faire le moins d’enfant possible, au lieu de les exhorter à l’inverse, au nom du dogme, de l’économie et des retraites, je ne fais l’apologie d’aucun crime, tout au contraire : on ne tue pas un enfant non-né ! À l’opposé, en promouvant la surpopullulation, on cautionne la misère, la famine et tous les risques et les affres d’une vie invivable.
On notera du reste qu’aucun penseur de la dénatalité n’a jamais préconisé de tuer des enfants, mais simplement de s’abstenir de (trop) en faire, nuance capitale. C’est bel et bien le natalisme qui illustre une idéologie de faux-culs à portée totalitaire. Pour qu’une société puisse partager ses richesses dans une parfaite éthique de dignité, en respectant le droit du vieillard, comme celui de l’enfant, à une parfaite dignité, il faut être peu nombreux et farouchement républicain. Ne proliférons pas trop pour éviter la surchauffe planétaire ; réduisons les écarts de richesses pour éviter la surchauffe du sociétal.

E&D : La thèse de la dénatalité est taboue, pourquoi selon vous ?

Ce tabou ne fait aucun doute, la dénatalité est une des vérités qui dérange le plus ! D’abord parce que se reproduire correspond à un instinct basique, biologique, naturel. Nous sommes le seul mammifère à ne pas avoir de saison des amours, nous nous reproduisons toute l’année, et nous n’avons plus de prédateurs, étant devenus nous-mêmes de redoutables exterminateurs… Mais l’humain n’est pas un animal comme les autres, sapiens voulant dire sage et intelligent, il doit comprendre qu’en vertu de cette intelligence qui a engendré un progrès, des avancées sanitaires et une longévité inouïe, nous sommes devenus une espèce invasive. L’objectif est désormais contreproductif, nous menant à un autogénocide. Puisque nous mourrons moins, nous devons alors naître « moins ».
Outre cette pulsion biologique d’engendrer sans réfléchir, nos systèmes culturels, religieux, politiques et économiques nous ont aussi fortement confortés à une telle tendance. Il y avait en amont des raisons historiques qui sont désormais caduques.

E&D : Êtes-vous d’accord avec le gouvernement chinois qui a longtemps interdit le deuxième enfant, allant jusqu’à tuer le nouveau né indésirable ?

Oui, mais j’ignore ce que vous entendez par « tuer le nouveau né supplémentaire » car je ne considère ni la contraception, ni l’avortement légal comme des meurtres ! Nous qui nous plaignons de la prééminence ultrarapide des Chinois et de leur économie envahissante, remercions-les d’être deux milliards de moins grâce à cette politique légitime et volontaire. D’autres pays, tel le Vietnam, procèdent de même.

E&D : Concrètement comment compteriez-vous mettre en place votre politique de dénatalité ?

Il s’agit d’un programme impossible à expliquer en quelques lignes. Il convient d’abord de ne plus exhorter à la procréation surnuméraire sous de faux alibis comme ceux irrationnels des religions monothéistes, ou des caisses de retraites. Si nous faisons des progénitures au nom de nos retraites, réfléchissons au ridicule de la chose : cela n’aura pas de fin, c’est exponentiel, donc fou ! Mieux vaut sauver la planète que nos pensions !
Une mesure pour les pays du Sud est la contraception gratuite et la mentalisation qui va de pair. C’est un gros dossier dont l’ONU devra se charger. On y viendra, trop tard, mais on y viendra !
Une mesure pour les pays riches est l’abandon des allocations familiales, voire l’instauration d’un impôt contributif dès le second enfant. Je sais, c’est peu populiste, voire franchement malthusianiste, mais pas davantage qu’un procès-verbal pour excès de vitesse. Il existe un code de la route, il devrait exister un code de la planète pour la garder vivante et assurer un avenir vivable.

E&D : Les progrès technologiques ne permettent-ils pas les gains de productivité nécessaires à ce qu’on vive plus nombreux sur terre ?

Tant que nous étions peu nombreux, moins de 2 ou 3 milliards, oui ! Dorénavant non ! Je ne vais pas refaire ici l’interminable liste des malheurs que nous devons à un progrès associé aux besoins alimentaires et énergétiques d’une population trop nombreuse : aliments aux pesticides issus de monocultures productivistes sur des sols biologiquement morts, sixième phase d’extinction massive des espèces, déforestation et désertification irréversibles de pans entiers du globe, dramatique déclin des ressources halieutiques, acidification des océans, chaos climatique évidemment d’origine anthropique, innombrables pollutions engendrées par les sociétés nanties et exportées sous toutes les latitudes, débâcle nucléaire… Où sont les gains, mis à part des bénéfices courtermistes ? Nous n’avons qu’un ennemi : notre prolificité. Demain, il y aura peu à choisir et beaucoup à souffrir. »

E&D : Ne peut-on pas aussi, par l’éducation, apprendre aux gens à consommer moins, et/ou mieux ?

Évidemment, ce serait même l’enjeu de l’économie verte et du développement durable ! Il s’agit hélas d’une politique de l’oxymore prônée par un capitalisme à bout de souffle et dont le moindre des défauts aura été de s’auto-dévorer. L’égoïsme, le déni des évidences, la transgression sont psychanalytiques chez l’humain. Enfin, il est bien tard pour nous les Occidentaux, et encore trop tôt (et donc injuste puisque chacun son tour !) pour les pays émergents et les nouvelles puissances comme l’Inde, la Chine, le Brésil. Ils ont droit à leur tour à une automobile monoplace par habitant et à une résidence secondaire par famille bourgeoise ! La décroissance, ils en sortent ! Donc les restes vont y passer. Alors, pendant ce temps, on peut toujours mentaliser quelques Européens et Nord-Américains en leur conseillant de fermer leur robinet quand ils se lavent les dents ou à trier leurs ordures…
Tenez, voici une citation de Rousseau à propos de l’égalité de droit, ce qui n’est pas totalement hors-sujet quand il s’agit de critiquer le libéralisme, paradigme dont on ne pourra se défaire qu’au bord du gouffre : « Sous les mauvais gouvernements, cette égalité n’est qu’apparente et illusoire ; elle ne sert qu’à maintenir le pauvre dans sa misère, et le riche dans son usurpation. Dans le fait, les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n’ont rien ; d’où il suit que l’état social n’est avantageux aux hommes, qu’autant qu’ils ont tous quelque chose et qu’aucun d’eux n’a rien de trop. » (Du contrat social, I, ch. 9, note finale,1762)

E&D : Vous vous réclamez de l’écologie, avez-vous des contacts avec Europe-Ecologie-Les Verts, approuvent-ils votre démarche ?

Aucun contact et aucun pacte car la dénatalité s’apparente à l’écologie radicale ou profonde (la deep ecology) qui leur fait peur. Ces gens veulent être élus et l’électoralisme encourage évidemment le charlatanisme. Même Hulot, au temps où il était animateur-bateleur de l’écologie de pacotille, esquivait sciemment la question. Au sein de EELV, il n’y a que Yves Cochet qui aborde de front les problématiques qui dérangent (lutte contre la pétro-addiction, grève du troisième ventre…). On lui a demandé de se taire sur ces sujets et de se mettre en phase avec Cécile Duflot qui est multipare, donc pour laquelle il n’y a aucun souci d’avenir !

E&D : Votre livre se vend plutôt bien, alors qu’on n’entend jamais votre thèse dans les médias, comment l’expliquez-vous ?

Les raisons viennent d’être expliquées, le discours fait fuir ! Les gens préfèrent aller droit dans le mur que de faire l’effort de réfléchir et de s’astreindre. Lors de quelques plateaux et interviews, ce fut l’affolement général, les cheveux des journalistes se dressaient sur leur tête. Dans le domaine de la communication, les scandales sont porteurs mais certaines vérités restent impopulaires et ne comblent pas les annonceurs. Un jour viendra, l’idée est encore pionnière… Il faut peut-être attendre que nous soyons 8 ou 10 milliards pour que ce discours sorte de la contre culture, de l’écorésistance et de l’underground. Attendre aussi pour qu’alors, en Somalie et ailleurs, Médecins sans frontières distribuent aussi des contraceptifs !

E&D : Avez-vous un site où l’on puisse découvrir vos thèses ?

Mon site professionnel est voué à l’entomologie et à la science écologique, pas à l’écologisme, ni à la dénatalité. Ma pensée écosophique dans laquelle s’inscrit le thème démographique fait l’objet de mon Facebook perso, avec 5000 amis et donc complet depuis longtemps. Ce qui prouve tout de même que la cause n’est pas orpheline. On peut le consulter et y commenter. Le lien est :

http://fr-fr.facebook.com/micheltarrier

La dénatalité est aussi présente sur mon groupe Écorésistance qui fédèrent les dissidents radicaux de l’écologie politiquement correcte : http://www.facebook.com/groups/ecoresistance/
Mon livre, Faire des enfants tue la planète, qui est le livre vert de la démographie, se vend de mieux en mieux depuis l’effet d’annonce du cap des 7 milliards et certaines proclamations de l’ONU pour juguler la surpopulation globale.
Je voudrais ajouter ceci pour terminer : l’homme n’est pas l’avenir de la planète, la Nature n’a pas besoin de nous, mais par contre, nous avons besoin de la Nature. Si nous existons encore dans plusieurs siècles, ce ne sera pas grâce à l’automobile ou aux inventions de Steve Jobs, mais grâce au maintien du lombric et de la pérennité des sols fertiles, lesquels sont de plus en plus rares. Seul le retour à la terre sauvera l’humanité. Hélas, nous perdons la qualité de nos sols et nous avons même perdu la trace de nos savoir-faire. Le retour à la simplicité n’est pas le retour à l’âge de pierre, ce sera juste le retour à la normale. Il faudra siffler la fin de la récré avant que nous soyons trop nombreux !

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commentaires

V
<br /> Bienvenue dans mon humble communauté !<br /> A bientôt et merci !<br /> Bonne soirée<br /> Viviane<br /> <br /> <br />
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P
<br /> Bon soir,<br /> il est bien évident que l'état de la planète, la mauvaise gestion des ressources, le mauvais partage poussent à se poser une te;le question.<br /> La planète pourrait sans doute nous nourrir tous si nous étions un peu plus responsables et mature,<br /> mais ce n'est pas le cas.<br /> Bien à Toi,<br /> <br /> <br />
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